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La ville
aux enfants

Manifeste pour une ville enfants bienvenu·es !

À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant et des 35 ans de la Convention internationale relative des droits des enfants, une coalition d’associations publie un manifeste pour une ville à hauteur d’enfant. C’est un appel à concevoir des villes qui placent les droits, le bien-être et l’autonomie des enfants au cœur de leurs priorités.

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Chez Walk, nous croyons qu’une ville n’est véritablement vivable que lorsqu’elle est pensée à hauteur d’enfant. Une ville où les enfants peuvent se déplacer librement et en toute sécurité, jouer, apprendre et grandir devient automatiquement une ville plus saine, plus sûre et plus agréable pour tout le monde. Cette vision implique une autre manière de concevoir l’espace urbain, les politiques publiques et la mobilité, en partant du regard des plus jeunes habitant·e·s.

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Pour renforcer cette ambition, nous avons organisé le 19 juin 2025 une journée d’étude sur la ville à hauteur d’enfant. Les décideur·euse·s politiques, chercheur·euse·s, expert·e·s et citoyen·ne·s s’y sont rencontré·e·s pour échanger idées et expériences. De ces échanges est né un rapport qui rassemble des recommandations concrètes et des exemples inspirants pour construire une ville où les enfants se sentent vraiment chez eux.

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Découvrez ci-dessous le manifeste et ses piliers, qui forment ensemble un cadre pour faire de Bruxelles (et au-delà) un lieu où les enfants – et donc chacun·e de nous – peuvent se déplacer librement, en sécurité et en confiance.

1. Le constat

On me laissait jouer seule avec d’autres enfants dehors, c’était des moments agréables. De temps  en temps, on faisait des sorties, des balades avec les parents, et c’était vraiment aussi très agréable.  Les meilleurs souvenirs, c’est vraiment toujours à l’extérieur. En dehors du jardin de la maison.  Vraiment extérieur. » Svetlana, maman de deux enfants de 9 mois et 4 ans*

 

« Un beau souvenir de mon enfance, c’est quand on jouait dehors. J’étais dehors sur un arbre qui était tombé. On était dessus au moins à dix gosses, on était dessus assis comme ça.  Alors on se balançait toute la journée, et ooooooh ! Et on chantait toute la journée... Avec tous les enfants du quartier. », Julienne, maman de deux enfants de 2 et 5 ans* 

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Des enfants qui jouent à côté de leur maison dans une plaine de jeux, d’autres qui se rendent à  l’école seul·e·s sans que leurs parents s’inquiètent, des adolescentes qui s’arrêtent dans un espace  vert sur le chemin du retour à la maison sans crainte d’être harcelées, pouvoir se soulager dans des  toilettes publiques plutôt que se cacher derrière des buissons, faire du vélo plus souvent que  seulement durant la journée sans voiture... Voilà la ville dont beaucoup rêvent pour leurs enfants.  Un rêve bien loin de la réa-lité! Malgré sa vitalité et sa jeunesse, Bruxelles n’offre pas un  environnement urbain sain, respectueux des droits des enfants. Et pourtant 22% de la population bruxelloise a moins de 18 ans. 

 

« J’ai trois enfants, dont un encore en poussette, mais je n’ai que deux mains. C’est difficile de les  garder près de moi. J’ai constamment peur des voitures, des trams... le temps de rentrer de l’école,  je suis épuisée, je préfère rentrer chez moi plutôt que de passer par le parc. » Fatima, mère de trois enfants, Jette.  

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Les professionnel·le·s du secteur de l’enfance le constatent, les enfants et les jeunes passent de  moins en moins de temps à l’extérieur, ce qui entraîne des conséquences néfastes diverses :  délitement des liens sociaux, lourds problèmes de santé physique et mentale liés à la sédentarité,  à la pollution de l’air et à l’augmentation du stress, non apprentissage des risques, manque de  confiance en soi .... 

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« J’ai l’impression que je passe mon temps à couper l’élan de vie de mes enfants - à leur gueuler  ‘ne courez pas ! Restez près de moi ! Stop !’ C’est fatigant et déplaisant. »  Camille, mère de deux  enfants, Saint-Gilles. 

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Azam Masoumzadeh

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​Plusieurs raisons expliquent pourquoi les enfants et les jeunes deviennent de plus en plus  casanier·e·s. En premier lieu, le sentiment d’insécurité sur les routes. En effet, la circulation  routière constitue une des raisons principales de la diminution du temps passé par les enfants à  l’extérieur et de la perte de leur autonomie. Dans les quartiers denses, les familles sont peu nombreuses à posséder une voiture. L’automobile prend néanmoins une place prépondérante et  entre directement en compétition avec les enfants dans l’espace public.

 

C’est le plus souvent dans  ces mêmes quartiers que l’on observe une qualité de l’air médiocre voire mauvaise ainsi qu’un manque de lieux extérieurs privatifs (balcon, cour ou jardin), d’espaces publics de qualité, et notamment d’étendues vertes attrayantes pour les enfants et les familles. On le constate donc,  l’inadéquation et l’insuffisance de l’espace public à Bruxelles créent des problèmes qui coûtent à la société, particulièrement pour les familles bruxelloises les plus vulnérables socio-économiquement.  

 

Ces constats vont à l’encontre des droits de l’enfant (particulièrement les articles 3, 6, 12, 13,24 &  31), dont la Convention Internationale a été signée et ratifiée par la Belgique. Or, ces problèmes pourraient être réduits ou même supprimés. La situation actuelle n’est en rien une fatalité, mais  une question de choix politiques. Il est de la responsabilité des gouvernements de garantir le droit  des enfants à un environnement sain et sûr. Les candidat·e·s aux prochaines élections 2024 doivent  s’engager à prendre des mesures concrètes aux niveaux régional et communal et adopter ainsi une posture politique forte en faveur des enfants et des jeunes dans la ville.

 

La ville aux enfants : rendre effectif le droit des enfants à la santé, à la sécurité, et à la  participation.    

Nous, associations de différents secteurs et citoyen·ne·s, enjoignons les autorités publiques à  s’atteler à : 

 

  • améliorer l’existant, multiplier et adapter les espaces verts et l’espace public aux besoins  des familles, en priorité dans les quartiers en carence, et en remédiant à la trop faible  présence des femmes et des filles;  

  • développer des infrastructures sécurisantes, agréables et accessibles favorisant une  mobilité autonome des enfants et des jeunes et encourageant les déplacements à pied, en poussette, à vélo;  

  • réduire l’exposition des enfants aux différentes sources de dangers (notamment liés au  trafic automobile et à la pollution atmosphérique); 

  • intégrer la participation des enfants et des jeunes aux projets d’aménagement de l’espace  public.  

 

L’espace public, s’il est accessible et de qua-lité, est un levier important pour améliorer la santé, la  qualité de vie, le vivre ensemble. Les personnes vulnérables se sentent plus en sécurité avec la  présence des familles, créant ainsi un cercle vertueux. Une ville à hauteur d’enfant a donc des  bénéfices tant au niveau individuel que collectif et sociétal, car elle devient accueillante pour tout  le monde.  

 

C’est pourquoi nous, associations, avons rassemblé en vue des élections nos propositions en  faveur d’une ville qui place les enfants et les jeunes en son cœur. Investir pour l’avenir de nos  enfants et de nos jeunes, dans des rues sûres, résilientes aux enjeux sanitaires et climatiques: c’est le choix que nous vous proposons. 

 

«Ce qui lui plaît à vélo, je pense que c’est cette liberté d’être dehors, d’avoir de l’air, de partir tout  seul. Je lui dis de circuler dans la cour mais il ne veut pas. Il veut toujours aller loin, sur la route. Je  pense que c’est cette idée d’aller loin, de découvrir autre chose. » 
Julienne, maman de deux enfants  de 2 et 5 ans*

 

*citations extraites de l’étude RIEPP 2021.

 

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2. Cinq types d’actions pour une ville
à hauteur d’enfants

 

I. Multiplier les espaces publics de qualité
et améliorer l’existant

 

  • Garantir l’accès à un espace vert et un espace de jeux à tou·te·s les enfants à  proxi-mité de leur domicile, en particulier dans les quartiers denses.
     

  • Connecter les aires de jeux entre elles en profitant de toute réduction de voiries ou  tout réaménagement des espaces publics pour élargir les trottoirs et y multiplier les  éléments de jeux (comme les terrains de jeux sur les chicanes à Amsterdam).
     

  • Au delà des parcs et des terrains de jeux, rendre l’espace public plus ludique, y  compris sur les trottoirs et placettes.
     

  • Appliquer le gender mainstreaming/approche intégrée de genre à chaque projet  d’urbanisme et d’aménagement du territoire pour remédier à la trop faible présence  des femmes et des filles.
     

  • Prévoir des toilettes publiques accessibles aux PMR et adaptées aux besoins des  familles (ex: table à langer) et des points d’eau potable.
     

  • Proposer des terrains de jeux, terrains de sports en libre-service adaptés aux  différents âges.
     

  • Pour les plaines de jeux, prévoir des protections contre les intempéries et le soleil,  ainsi que des équipements pour le confort des adultes accompagnant·e·s (bancs,  tables de pique-nique...).
     

  • Végétaliser et déminéraliser l’espace public pour répondre au dérèglement climatique (notamment les vagues de chaleur) renforçant ainsi le contact avec la  nature.
     

  • Multiplier les moments dédiés aux jeux des enfants comme les rues d’été, les rues  aux jeux, les fêtes des voisins...  

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Bram Algoed

 

II. Réduire l’exposition aux dangers du trafic motorisé

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  • Favoriser la création de quartiers au trafic apaisé, via des plans de circulation qui tiennent compte des lieux fréquentés par des enfants ;
     

  • Favoriser la création de quartiers scolaires dans les quartiers avec une grande  densité d’écoles et de crèches (c’est-à-dire des quartiers sans voitures)  
     

  • Soutenir les écoles en Plan de Déplacements Scolaires en renforçant les moyens  financiers et humains ;
     

  • Soutenir et inciter les communes dans la création de rues scolaires et le  réaménagement des rues d’écoles en rues piétonnes.
     

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III. Développer une infrastructure favorisant l’utilisation des modes actifs

(marche, vélo, etc.) en toute sécurité

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  • Créer, développer et rénover des cheminements accessibles aux piéton·ne·s suffisamment larges, et libérés d’obstacles (mettre les drop-zones et bornes ou  horodateurs sur les voiries, protéger du stationnement sauvage ou stationnement  en épi...)  ;
     

  • Sécuriser les traversées piétonnes, notamment en veillant à ce que la visibilité sur  les traversées ne soit pas entravée (appliquer l’interdiction de stationnement à  moins de 5 mètres des passages piétons, renforcer l’éclairage public…) ;
     

  • Sécuriser les abords des écoles et autres lieux fréquentés par les enfants (salles de  sports, académies, etc.). Sur les voiries communales : prévoir des dispositifs de  freinage, étudier la possibilité de limiter la vitesse à 20km/h…  ;
     

  • Développer un réseau cyclable sécurisé continu. Prendre en compte les différents  gabarits des vélos familiaux dans le développement de ce réseau  ;
     

  • Lors des travaux, veiller à mettre en place systématiquement des cheminements  piétons et cyclistes alternatifs. â€‹â€‹

​III. Développer la mobilité des enfants et leur autonomie

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  • Créer des lieux ludiques ainsi que des espaces d’apprentissage dédiés aux modes actifs : vélos, trottinettes, rollers, skateboards, etc. ;
     

  • Généraliser l’apprentissage des déplacements actifs  au sein des écoles avec les  brevets du cycliste et du piéton  ;
     

  • Faciliter l’accès et l’utilisation du vélo pour tous les enfants (y compris l’accès au  parking sécurisé) ;  
     

  • Soutenir financièrement les acteurs de l’enfance (maisons de jeunes, clubs sportifs,  écoles de devoirs...) dans la mise en place d’une mobilité active (rangs vélo/ fietsbus, rangs à pied, etc.) ;  
     

  • Rendre tous les transports en commun, les trottoirs et les espaces verts  accessibles aux Personnes à Mobilité Réduite (PMR), aux parents avec de jeunes  enfants (en poussette, à pied...), aux femmes enceintes…  ;
     

  • Multiplier la présence de gardien·ne·s de la paix dans les espaces publics  rencontrant des problèmes d’insécurité de circulation. Garantir la propreté des  lieux ;  
     

  • Renforcer les logiques de quartier en préservant et favorisant la présence de  commerces en ville. La présence de commerces de proximité favorise l’autonomie  des enfants, la conciliation vie professionnelle-vie familiale des parents et renforce  le sentiment de sécurité des familles. Les parents peuvent donner comme consigne  à leurs enfants d’aller se réfugier dans un commerce en cas de problème ;
     

  • Promouvoir le jeu à l’extérieur, notamment en adoptant le « buitenspeeldag » du 17  avril dans la communauté francophone.

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Wauter Mannaert

 

V. Garantir la participation des enfants et des parents dans les instances de décision
 

  • Institutionnaliser la participation des enfants et des parents dans les processus de consultation des projets d’urbanisme portant sur l’espace public. La participation des enfants et jeunes doit être vue comme un élément essentiel de la planification et de la conception.  
    Ex : implémenter des conseils consultatifs des enfants, parlement des enfants, des  chantiers participatifs...  
     

  • Tout en s’adaptant à l’âge et à la maturité de chaque âge, s’assurer que la  participation des enfants et des familles soit intégrée dans les prises de  décisions et la définition des politiques en matière d’aménagements publics. 
     

  • Développer une culture des droits des enfants.  

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3. Diagnostic détaillé : un état des lieux inquiétant 

Bruxelles est une ville dynamique et jeune : 22% de sa population a moins de 18 ans (1). Et pourtant Bruxelles telle qu’elle est maintenant est loin d’être le cadre de rêve pour les  enfants et les jeunes. Trafic routier très dense générant des collisions mortelles et graves  et une pollution de l’air, manque d’espaces verts de qualité à proximité, manque  d’infrastructure sécurisée, manque de bancs, d’éclairage ou de toilettes publiques,  sentiment d’insécurité… Cet environnement inadéquat et insuffisant a pour conséquence  que les sorties dans l’espace public sont rendues difficiles et peu attirantes. 

 

De là découle une multitude de conséquences sociales sur le quotidien des enfants et les personnes qui en prennent soin (2). D’abord le fait qu’en Belgique, les enfants et les jeunes passent de moins en moins de temps dehors. Ensuite, que l’âge de l’autonomie  des enfants est sans cesse repoussé, les parents étant trop craintifs pour les laisser sortir seul·e·s. Par ailleurs, beaucoup de mères avec des bébés restent isolées chez elles.  L’absence d’enfants et de femmes dans l’espace public accentue la désintégration du  tissu social local, qui est pourtant fondamental pour encourager l’autonomie des enfants et  développer un sentiment d’appartenance au quartier.  

 

Les conséquences sur la santé sont également nombreuses et pèsent lourd sur les  finances publiques. Des enfants qui sortent moins sont plus sédentaires, ce qui peut  entraîner surpoids et obésité infantile, mettant sérieusement à mal la santé physique  future de ces enfants (diabètes type II, hypertension, morbidité précoce…). De  nombreuses études ont déjà détaillé comment la circulation routière, source de pollution  sonore et atmosphérique et de risque d’accidents, nuit gravement à la santé des enfants (3). La pollution de l’air fait apparaître ou aggrave des pathologies telles que des allergies, de  l’asthme et de l’eczéma. L’isolement des jeunes mères augmente les risques de dépression du postpartum.  

 

Des bénéfices individuels, collectifs et sociétaux à un espace public de qualité

 

Il est essentiel que les enfants puissent sortir et jouer à l’extérieur. Comme le soulève  l’étude du RIEPP (4), passer du temps en plein air engendre de nombreux bénéfices pour les enfants. À commencer par une meilleure condition physique, dans un contexte où la  sédentarité et la consommation excessive d’écrans gagnent de plus en plus de terrain  parmi les enfants et les jeunes dans le pays (5). Les enfants apprennent à socialiser entre eux. Être dehors et pouvoir se défouler, jouer, évacuer le stress, cela contribue à une  meilleure santé mentale et au développement d’une motricité fine et globale.

 

La présence accrue des enfants dans l’espace public est également bénéfique pour  l’ensemble de la société. À commencer par les femmes, qui sont encore celles qui portent  l’essentiel de la charge parentale. La présence d’enfants et de jeunes contribue à réduire  le sentiment d’insécurité et invite les femmes et toutes les autres personnes vulnérables à  rester dans l’espace public plutôt qu’à le traverser, créant ainsi un cercle vertueux. La  multiplication d’espaces verts et d’espaces temporaires dédiés aux enfants (rues aux jeux,  rues d’été…) est également bénéfique pour la cohésion sociale, favorisant le  développement de relations et l’entraide entre générations et entre voisin·e·s.  

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(1) bisa.brussels/cijfers/kerncijfers-van-het-gewest.

(2) Voir notamment l’enquête de Kind & Samenleving, k-s.be/spelen-en-vrije-tijd/spelen/het-grotebuitenspeelonderzoek et la campagne loslopend-kind.org ou encore la campagne de l’ONE, “C’est dehors que ça se passe”.

(3) Le trafic routier émet 29%​ des particules très fines (PM2.5) et représente 63% des émissions régionales d’oxyde d’azote (NOx). Les dernières connaissances scientifiques reprises par l’OMS en la matière montrent à quel point les enfants sont particulièrement sensibles à ces dangers, surtout les enfants des quartiers défavorisés. Ils sont physiquement plus exposés à la pollution de l’air que les adultes parce qu’ils respirent deux fois plus vite, souvent par la bouche, en absorbant plus de polluants. Ils vivent également plus près du sol, où certains polluants atteignent des concentrations maximales. En plus de favoriser les maladies respiratoires, la pollution de l’air est responsable de 930 morts précoces par an, tous âges confondus.

(4) « La place des enfants et des femmes dans l’espace public extérieur. Partie 2 : les bénéfices et les enjeux », Joëlle Mottint, Analyse n°2/2021 du RIEPP.

(5) « Results From Belgium’s 2016 Report Card on Physical Activity for Children and Youth », Journal of Physical Activity and Health, Anne I. Wijtzes et al., vol 13, n°2, 2016.

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Pour une redistribution fondamentale et équitable de l’espace public.

 

Les obstacles majeurs empêchant les familles de sortir pointent vers la distribution inégale  de l’espace public liée aux inégalités sociales. Les familles bruxelloises n’ont pas toutes  un accès privilégié à un espace vert de qualité. Comparé aux communes comme  Watermael-Boitsfort ou Woluwe-Saint-Pierre, le « croissant pauvre » de Bruxelles (6) multiplie les facteurs sociaux et environnementaux portant préjudice à une bonne santé  mentale et physique: haute densité de résident·e·s dans des logements plus petits et sans  jardin ou balcon, niveaux de pollution de l’air accrus, insécurité liée au trafic de  drogues ainsi qu’à un nombre élevé de ZACA (zone à concentrations d’accidents), carence d’espaces verts entraînant une proportion, et donc un pourcentage de surfaces minéralisées très élevé...  Cette disparité s’est fait sentir en particulier en temps de confinement, où de nombreux  enfants n’ont pas pu mettre le pied dehors, ou encore en période de canicule, lorsque les  îlots de chaleur font grimper les températures encore plus au centre qu’en périphérie (7).

 

Par ailleurs, les quartiers bruxellois se caractérisent plus généralement par une distribution  inégale de l’espace public entre les différent·e·s utilisateurs et utilisatrices de la route.  Dans certains quartiers comme Saint-Josse ou Saint-Gilles, une minorité de ménages (ceux possédant une voiture sont moins de 30 %), s’accaparent 60-70 % de l’espace public. La seule façon de «donner plus d’espace aux enfants» dans ces zones urbaines  très denses serait de se réapproprier le domaine public -- les trottoirs, les abords d’écoles,  les places, voire même une partie des voiries -- et d’y multiplier les éléments ludiques et de  végétalisation (8).

 

Les enfants et les voitures sont directement en compétition pour l’espace public. Ce n’est  pas un hasard qu’un des seuls jours où on voit des enfants jouer et faire du vélo dans les rues, c’est la journée sans voiture. Ce jour-là, Bruxelles est transformée et donne une  place d’honneur à sa jeunesse. « La place des enfants dans la ville interroge  inévitablement la question du trafic routier», rappelle Mottint (9). « La circulation routière est une des raisons principales de la diminution du temps passé par les enfants à l’extérieur  et de la perte de leur autonomie (10) ».

 

Des pistes de solutions existent et sont déjà implémentées dans certaines villes: le  principe STOP, la ville du quart d’heure, the child-friendly city… 11 L’objectif reste le même:que tout·e enfant puisse avoir accès à des rues saines et sûres, qui répondent à ses  différents besoins en évolution avec l’âge. À partir de 10 ans, tout·e enfant devrait pouvoir  avoir accès aux activités de base (aller à l’école, se rendre chez un·e ami·e, passer par  l’épicerie du coin, se rendre à son activité extrascolaire), et s’y rendre à pied ou à vélo,  seul·e ou en groupe, en toute sécurité. L’autonomie des enfants s’est réduite à peau de  chagrin de génération en génération. Nous appelons les pouvoirs publics à défendre et  promouvoir cet objectif essentiel.

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(6) Le « croissant pauvre » de Bruxelles fait référence à la zone du Canal et les zones situées autour de la petite ceinture de Bruxelles.

(7) Anne-Françoise Dusart, « L’investissement des espaces extérieurs, caisse de résonance des inégalités sociales à Bruxelles », Les cahiers de l’Observatoire de l’enfant, #38, 2020. Voir aussi Joëlle Mottint, “Sortir ou ne pas sortir durant le confinement ? Le vécu des familles en situation de précarité à Bruxelles”, étude n° 1 /2020 du RIEPP.

(8) Voir par exemple la pratique architecturale des années 50 à Amsterdam. 
Lianne Verstrate & Lia Karsten, « The Creation of Play Spaces in Twentieth-century Amsterdam: From an Intervention of Civil Actors to a Public Policy », Landscape Research, 36:1, 85-109, 2011.

(9) Ibid Mottint, p. 8.

(10) Paquot, T. (2005) ; Les enfants dans la ville, in diversité ville école intégration, 141, 59-63.

(11) Le principe STOP appelle à ce que tout nouveau réaménagement de l’espace public urbain favorise en premier les piétons, les cyclistes, les transports publics et en dernier les véhicules motorisés privés. La ville du quart d’heure propose que les services liés à tous les besoins essentiels soient accessibles à 15 min à pied. La « child-friendly city » est un concept promu par UNICEF qui appelle à adapter les villes aux besoins des enfants.

​La ville aux enfants: mettre en pratique le droit des enfants à la santé,

à la sécurité, et à la participation

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L’urgence climatique a fait remonter comme jamais auparavant la problématique des droits  des enfants et des générations futures. Si Bruxelles ne se prête pas comme cadre de vie  au bien-être des enfants, c’est aussi parce que les enfants et jeunes n’ont pas leur mot à  dire quant aux prises de décision concernant la ville. Or les enfants et les jeunes sont moteurs  de changement et plus à même de trouver des solutions durables concernant leur avenir.  Il est urgent d’institutionnaliser la participation des enfants aux prises de décisions, au delà du niveau purement symbolique.  

 

Pour rappel, les enfants et les jeunes ont droit à un environnement sain, propre et durable (12). Pour reprendre quatre des articles de la convention internationale des droits des enfants:  

  • Le droit de jouir du meilleur état de santé possible, que la pollution atmosphérique met à  mal (Article 24 de la Convention internationale des droits de l’enfant - CIDE) ;

  • le droit aux loisirs, au jeu et au repos, que le manque d’accès à des espaces publics met  à mal (Article 31, CIDE) ;

  • le droit à la vie, à la survie et au développement, que l’insécurité routière et d’origine criminelle met à mal (Article 6, CIDE) ;

  • le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant et que ses opinions soient prises en considération dans les prises de décisions (13) (Article 12 & 13, CIDE).
     

Il est de la responsabilité des gouvernements de garantir ces droits. La ville doit non  seulement les promouvoir mais également les incarner dans sa façon de planifier et construire l’espace urbain (14). Pour toutes ces raisons, nous demandons aux candidat·e·s aux élections 2024 de s’engager à prendre des mesures concrètes au niveau régional et communal et adopter ainsi une  forte posture politique en faveur des enfants dans la ville.

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Pieter Fannes

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Alors que les conséquences des inégalités sociales se font de plus en plus sentir sur  l’espace public, avec une forte augmentation du sans-abrisme et de l’insécurité liée au  trafic de drogue, il est plus que jamais urgent d’investir dans une espace public de qualité.  Car l’espace public, bien commun par excellence, est le reflet de notre pacte social et de  notre idéal d’égalité. Renoncer à l’espace public revient à condamner les enfants issus de  familles précaires à une moins bonne santé avec des conséquences structurelles sur le  reste de leur vie.

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(12) Voir l’Observation Générale n*26 du Comité des droits de l’enfant des 
Nations-Unies, l’interprétation officielle de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) des Nations-Unies par rapport à l’environnement, avec un accent sur le changement climatique.

(13) Rapport de la CODE, « Le Vent du Changement : Le pouvoir des enfants dans la crise écologique », décembre 2023, p.10-11.  

(14) Paragraphe 71 de l’OG n°26 : « Les États doivent prendre des mesures volontaristes, spécifiques et ciblées pour assurer la jouissance pleine et effective des droits des enfants liés à l’environnement, y compris leur droit à un  environnement sain, notamment élaborer des lois, des politiques, des stratégies ou des plans fondés sur des  données scientifiques et conformes aux lignes directrices internationales pertinentes en matière de santé et de  sécurité environnementales, et s’abstenir de prendre des mesures régressives qui réduisent la protection des  enfants ».

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